mercredi 11 juin 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 6 : Le bijou de l'Albiceleste

Cet article fait partie d'un dossier consacré à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Vous pouvez découvrir les autres textes sur cette page.

Crespo, Tevez, Riquelme et Messi. Une sacrée ligne d'attaque, quand même.


Au début, il y en a une. Puis une deuxième. Une troisième, une quatrième. Une cinquième, une sixième, une septième, une huitième… Une dixième, une quinzième. Vingt-cinq, au total, vingt-cinq passes, ponctuées par un but, splendide, d’Esteban Cambiasso, lors du match de poules Argentine – Serbie-Monténégro de la Coupe du Monde 2006, dans ce qui restera comme la plus impressionnante séquence collective vue en Mondial depuis le Brésil de 1982.

C’est une habitude, chez l’Argentine, de se présenter au début d’une coupe du monde avec le statut de grand favori, généralement dû à d’impressionnants empilages de stars offensives (de 1994 avec Maradona, Batistuta, Caniggia et Redondo, à 2010 avec Messi, Tevez, Aguëro et Di Maria). C’est également une habitude que de se faire éliminer en quarts de finale : en 1998, par les Pays-Bas, en 2006 et 2010 par l’Allemagne.

En 2006, l’Albiceleste est moins crainte qu’en d’autres occasions. Son buteur, Crespo, est vieillissant, et ses suppléants, les jeunes Messi et Tevez, encore peu connus du grand public, sont remplaçants. Appelés pour compléter le nombre, Saviola ou Maxi Rodriguez n’ont rien de terreurs. Mais, à la baguette, il y a un génie méconnu, un vrai de vrai : Juan Roman Riquelme, le joueur le plus incroyable et mésestimé des années 2000. Idole à Boca Juniors où il est même préféré à Maradona, il a connu, au cours de ses épisodiques aventures européennes, des fortunes diverses. Recruté en grande pompe par le Barça certain de tenir la grande star de demain, en 2002, il s’y effondre littéralement, ne convainc personne, et est finalement refourgué à Villareal, club de milieu de classement du championnat d’Espagne. Durant quatre saisons, Riquelme va s’y imposer comme un des meilleurs joueurs d’Espagne et mener le club jusqu’en demi-finale de Ligue des Champions, en 2006 (il ratera le penalty décisif face à Arsenal, dans les arrêts de jeu du match retour), promenant avec brio sa carcasse nonchalante sur tous les terrains d'Europe. Alors qu’il n’avait pas été sélectionné en 2002, il est pour cette Coupe du Monde intronisé meneur de jeu par son entraîneur, José Pekerman, qui en fait l’homme de base de son système.

Juan Roman Riquelme. Synonyme : Dieu.

Avec Riquelme à la baguette, l’Argentine impressionne dès le premier tour. Placée pour la deuxième édition consécutive dans le traditionnel « groupe de la mort » avec la Serbie-Monténégro, la Côte d’Ivoire et surtout les Pays-Bas (en 2002, c'était l'Angleterre, le Nigéria et la Suède, et les Argentins avaient été éliminés dès la phase de groupes), l’Albiceleste a marqué son territoire d’entrée de jeu en dominant les Ivoiriens 2 – 1, grâce à des buts de Crespo et Saviola. Le second match, contre la Serbie, peut permettre, en cas de victoire suffisamment nette, de valider la qualification pour les huitièmes de finale avant même la dernière affiche face aux Hollandais, et d'effacer l'échec de 2002. En face, les Serbes ont perdu leur premier match, contre les Pays-Bas, et seront éliminés en cas de second revers : l'enjeu est maximum.

C’est un festival. Maxi Rodriguez ouvre le score dès la sixième minute, mettant les siens sur de bons rails dès l’entame du match. La Serbie-Monténégro tente bien de faire illusion, mais à la trente-et-unième minute, lorsque la défense argentine récupère un ballon, au niveau de ses trente mètres, les malheureux Serbes ne peuvent plus que regarder, regarder Mascherano, Saviola, Sorin, Cambiasso, Maxi Rodriguez et leurs coéquipiers faire tourner le ballon, sous la houlette de Riquelme, jusqu’à ce qu’une faille apparaisse. La séquence est limpide : Riquelme étire le bloc serbe, les milieux font tourner jusqu’à ce que Sorin accélère sur son côté gauche, avant de remettre à Saviola, une-deux avec Riquelme, centre pour Cambiasso qui donne à Crespo, lequel lui remet en pleine course, d’une talonnade. Seul devant le but, Cambiasso n’a plus qu’à parachever l’œuvre de son équipe, d’un missile en pleine lucarne. Pendant longtemps, on a eu l’impression que la séquence ne présente aucun danger, que les Argentins faisait tourner le ballon par manque d’inspiration, et puis tout d’un coup, tout s’est accélèré, en deux appels de balles et trois remises, et alors que personne ne s’était encore rendu compte le rien, la balle s'est retrouvée dans le but.

Cambiasso à la conclusion.

Au final, et face à une équipe Serbe techniquement dépassée et très vite démoralisée, l’Argentine l’emportera 6 – 0, avec un autre but de Maxi Rodriguez, un de Crespo, un de Tevez et un de Messi, et gagnera le statut de grand favori de la compétition. Un nul contre les Pays-Bas en troisième match de poules et une victoire contre le Mexque en huitièmes de finale plus tard, l’Albiceleste butera finalement sur l'Allemagne, le pays organisateur, en quarts de finales et après une séance de tirs au but épique. Pour son chef d’orchestre, Riquelme, la fin sera également amère : alors que son entraîneur avait encore déclaré, la veille, qu’il était le joueur le plus important de son dispositif, il le fera remplacer, inexplicablement, au bout de soixante-dix minutes seulement lors du quart de finale perdu contre l’Allemagne. Au moment où Riquelme sortit du terrain, l’Argentine menait un à zéro ; l’Allemagne égalisa huit minutes plus tard. Juan Roman Riquelme ne gagnera jamais la Coupe du Monde.

Le but de Cambiasso contre la Serbie (la vidéo annonce 26 passes et non 25, mais comme vous pourrez le constater, elle comptabilise le but comme une passe, alors qu'il s'agit évidemment d'un tir) :




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