mercredi 11 juin 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 4 : Le malaise de Ronaldo

Cet article fait partie d'une série de textes consacrés à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Les autres sont accessibles sur cette page.

L'homme qui rétrécit

La Coupe du Monde 1998, organisée en France, s’est déroulée, à la surprise générale, selon un scénario très prévisible : match clin d'oeil (USA - Iran), équipes surprise (Croatie, Danemark), grosses déceptions (Espagne), vedettes aux destins opposés (Bergkamp, Del Piero, Owen, Batistuta), duels acharnés (France - Italie, Pays-Bas - Argentine). Surtout, s’est tenue, en finale, l’affiche idéale, celle dont tout le monde rêvait : le Brésil, alors quadruple vainqueur du tournoi et tenant du titre, face à la France, le pays organisateur. La rencontre permettait aussi l’opposition de deux hommes : le Brésilien Ronaldo et le Français Zidane, c’est-à-dire le meilleur joueur du monde et son dauphin officiel. Si, un peu plus tôt dans l'année, Zidane avait remporté un premier succès en étant sacré champion d’Italie, avec le Juventus, au détriment de l’Inter de Ronaldo, le vrai rendez-vous, tout le monde le savait, était prévu pour la finale du Mondial, où l’on allait enfin voir si vraiment le Français était en mesure de contester la suprématie du Brésilien.

Ronaldo, alors âgé de vingt-deux ans et déjà considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire, avait fanfaronné avant le tournoi, s’estimant capable de battre le mythique record de Just Fontaine (treize buts en une seule Coupe du Monde, en 1958). La réalité avait été plus rude, mais le Fenomeno n’avait pas démérité en étant l’auteur de quatre buts et de trois passes décisives - il avait également répondu présent en réussissant son penalty lors de la séance de tirs aux buts de l'intense demi-finale face aux pays-Bas. La finale allait lui permettre de mettre les choses au point - du moins le croyait-on.

Mais une heure avant le début du match, la rumeur se répand comme une traînée de poudre parmi les journalistes et s’étend vite à l’ensemble de la planète : Ronaldo ne jouera pas la finale, il ne sera que remplaçant, et Edmundo le suppléera à la pointe de l’attaque brésilienne. Panique mondiale pendant un quart d'heure, puis circule une seconde feuille de match, où Ronaldo est annoncé comme aligné à la pointe de l'attaque brésilienne. Bluff ? Couac ? Personne ne sait trop, et très vite, trop vite arrive l'heure du match. Ronaldo est bel et bien là, titulaire aux côtés de Bebeto et Rivaldo. Lors des hymnes nationaux, il arbore un air légèrement absent. Lorsque le match commence, il lui faut presque un quart d'heure avant de toucher pour la première fois le ballon. Muselé par la défense française, impuissant face à Barthez qui le mettra même littéralement KO après une sortie aérienne autoritaire, il traverse tout le match comme un fantôme, observant de loin son rival Zidane marquer deux buts et offrir la Coupe du Monde à la France.

Footballeurs à la sortie de l'hibernation.

Dès le lendemain, le bruit commencera à courir et le scandale à enfler : Ronaldo aurait été victime d’un malaise quelques heures seulement avant la finale, alors qu’il jouait aux jeux vidéos avec Roberto Carlos. Celui-ci serait sorti de leur chambre en criant « Il est en train de mourir ! » et tous les Brésiliens se seraient précipité auprès de Ronaldo, l’empêchant de s’étouffer avec sa langue avant de le conduire  l’hôpital où les examens ne révèleront rien. Diverses théories ont surgi, parlant de crise d’épilepsie, de malaise vagal ou de dystonie neurovégétative. Certains, même, évoqueront les effets secondaires du dopage, s’appuyant sur l’impressionnante augmentation de la musculature de Ronaldo durant les deux années qui avaient précédé et sur les bruits de couloirs qui faisaient du championnat italien l’antichambre de la recherche pharmaceutique et de l’optimisation de performance. On dira également qu’il n’était pas en état de jouer la finale, mais que c’est Nike, sponsor du joueur et de l’équipe du Brésil, qui avait insisté pour qu’il soit aligné.

Les versions contradictoires se succèderont, allant jusqu’à provoquer une large enquête au sein de la Fédération brésilienne de football, minée par la corruption et les pots-de-vin. Aujourd’hui encore, personne n’est en mesure de dire ce qui s’est vraiment passé dans la chambre de Ronaldo, quelques heures avant la finale contre la France. Ce qui s’est passé ensuite, en revanche, est connu. Après la défaite, Ronaldo connaîtra quatre ans de galère, quatre ans durant lesquels il ne jouera qu’une poignée de matches, enchaînant blessure sur blessure, étant même déclaré mort pour le football après une rechute de son genou, en 2000, six minutes seulement après avoir fait son retour sur un terrain. Depuis ses différents lits d’hôpital, réduit à l’impuissance, il regardera Zidane le déposséder de son titre honorifique de meilleur joueur du monde et remporter la Coupe du Monde, le Championnat d’Europe, la Ligue des Champions.

Quatre ans plus tard, Ronaldo réalise le plus grand retour de l'histoire du football, et, surtout,
dévoile au monde la coupe de cheveux dite de la "vulvette".


Et puis viendra la renaissance, en 2002, lors du Mondial asiatique. Ronaldo n’a quasiment pas joué depuis la précédente Coupe du Monde. S’il figure dans la sélection brésilienne, c’est presque une surprise. Son état de forme est incertain, et personne ne s’attend à grand-chose de sa part – après tout ce qu’il a traversé, c’est déjà bien qu’il soit là, se dit-on. Un mois et huit buts plus tard, Ronaldo, meilleur buteur du tournoi avec huit buts et vainqueur de la compétition, signera sa résurrection et refermera la parenthèse de ces quatre années de galère. Le malaise de 1998 était oublié, définitivement, et le Fenomeno était de retour, signature ultra-médiatique au Real Galactique à la clé. Mieux, encore : en 2006, un Ronaldo désormais trentenaire et largement bedonnant insrivait trois nouveaux buts, améliorant d'une unité le total de buts inscrits en Coupe du Monde (le précédent record, détenu par l'Allemand Gerd Müller, était de quatorze réalisations).

Le record : (qui sera peut-être battu par l'Allemand Klose dans les prochains jours...)



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