lundi 27 juillet 2015

Tour de France 2015 : Bilan après la troisième et dernière semaine de course.

La première semaine de ce 102ème Tour de France, avec le contre-la-montre d’Utrecht, les bordures de Zélande, les pavés du Nord et les arrivées pour puncheur à Huy, au Havre et  Mûr-de-Bretagne avait fait ici l’objet d’un précédent compte-rendu. La deuxième, qui voyait le peloton s’attaquer au Pyrénées puis traverser le Sud du Massif Central en passant par Rodez, Mende et Valence avait été détaillée . Le Tour 2015 est maintenant fini, et l’heure est à un nouveau bilan, celui de cette troisième et dernière semaine, principalement ambiancée par quatre étapes alpines.



Contador, Nibali, Quintana, Froome, Valverde et Thomas. Ouais, Thomas. La blague n'a pas duré longtemps, d'ailleurs.

1)      Le triomphe de Froome

Il était en jaune depuis le début, ou presque, et il l’est resté jusqu’au bout. En tête du classement général dès la troisième étape et l’arrivée en haut du mur de Huy, Christopher Froome n’a abandonné la précieuse tunique que le temps de quelques étapes, le temps de laisser l’Allemand Tony Martin placer une attaque saillante vers Cambrai, prendre le leadership de la course et abandonner deux jours plus tard, au Havre, une épaule en vrac. Depuis, le paletot jaune n’a plus quitté les épaules de Froome. Mieux, même : le Rhino s’est également adjugé le maillot à pois de meilleur grimpeur, pour la première fois de sa carrière, étant le premier coureur à triompher dans ces deux classements la même année depuis Carlos Sastre, en 2008 - l'Espagnol avant forgé son succès avec une attaque spectaculaire lors de la dernière étape de montagne, à l'Alpe d'Huez, soit les circonstances précises où Froome, l'espace d'un instant, à semblé en mesure de tout perdre cette année.

Impressionnant vainqueur à la Pierre-Saint-Martin pour la première arrivée en altitude de ce Tour de France, le Britannique n’a pas eu besoin de récidiver pour s’adjuger son deuxième Tour de France, après 2013, complétant de belle manière un palmarès qui commence à devenir conséquent : sa forme a même été déclinante tout au long de cette troisième semaine. En effet, celui que l’on appelait autrefois le Kenyan Blanc (natif de Nairobi, il n’a la nationalité britannique que depuis 2009) a opté pour une stratégie inattendue : alors que l’ensemble des favoris, sans doute effrayés par l’orgie de montagne de la troisième semaine, avait programmé son pic de forme le plus tard possible, Froome a lui choisi d’arriver en forme tôt, de creuser des écarts dès qu’il en aurait l’occasion et de se contenter ensuite de défendre, quitte à passer des moments difficiles en fin de course. Appliquant à la lettre l’adage ce qui est pris n’est plus à prendre, Froome a fait la course en tête très tôt, frappant un grand coup à la Pierre-Saint-Martin, tant sur le plan comptable (son premier poursuivant au général, l’Américain Van Garderen, avait alors été repoussé à presque trois minutes) que psychologique (le souvenir du Froome surpuissant de 2013 était ressurgi immédiatement, et avec lui les débats houleux que la Sky se traîne depuis les années Wiggins).

Froome, plus intéressé par le maillot jaune que par les hôtesses. A raison.

























Or, et c'est peut-être assez inattendu pour ceux qui n’ont suivi que de loin ce Tour de France, Chris Froome était largement prenable dans les Alpes. Son équipe, la Sky, qui avait brillamment cadenassé la course dans les Pyrénées, est passée à la trappe dès que la route a commencé à se cabrer (Geraint Thomas, quatrième du classement général avant l’entame des Alpes, a perdu plus de vingt minutes sur la seule étape de La Toussuire), abandonnant le maillot jaune à la merci de ses adversaires à de nombreuses reprises. Lors de l’arrivée de la Toussuire, ce dernier a craqué une première fois, concédant du temps à Nibali et surtout à Quintana, et le  lendemain, à l’Alpe d’Huez, quasiment à la dérive, il s’est retrouvé littéralement tracté jusqu’à l’arrivée ou presque par Richie Porte et Wout Poels, deux de ses coéquipiers revenus du diable vauvert, qui lui ont permis de sauver son maillot jaune pour un petit peu plus d’une minute.

Si le déchaînement médiatique de la seconde semaine avait tenté de nous vendre un Froome invulnérable, fer de lance d’une équipe indestructible, la vérité était toute autre : sa victoire, acquise en deux temps (l’étape des bordures, en Zélande, puis celle de la Pierre-Saint-Martin), n’a finalement tenu qu’à un fil, et le Britannique la doit autant à son travail, à son sang-froid et au choix stratégique de son équipe de tout miser sur la première arrivée en altitude qu’à la nullité tactique de ses adversaires, incapables de s’entendre pour l’attaquer.


2)      La Movistar, cette négation de la tactique et de l'audace

Car derrière Froome, on retrouve deux coureurs de la même équipe : le Colombien Nairo Quintana et l’Espagnol Alejandro Valverde, de la Movistar. S’il s’agit, pour cette formation, d’une splendide performance, on ne peut pas occulter le fait que durant toute cette troisième semaine, les Movistar sont passés pour des cons, voire pire : des sales cons antipathiques. Après les Pyrénées, ils s’étaient retrouvés les mieux classés des poursuivants de Christopher Froome et, pensait-on naïvement, les mieux placés pour l’attaquer. De plus, avec deux coureurs susceptibles d’inquiéter un maillot jaune qu’on commençait à soupçonner d’être faillible, l’équipe dirigée par Eusebio Unzué disposait a priori de plusieurs possibilités tactiques.


Quintana et Valverde en train de ne pas renverser le Tour.























Finalement, Quintana et Valverde ont préféré faire office d’équipiers de luxe de Christopher Froome, préférant manifestement terminer deuxième et troisième plutôt que premier et quatrième, tentant d’annihiler chacune des offensive de leurs rivaux Vicenzo Nibali et Alberto Contador sans jamais vraiment passer à l’attaque eux-mêmes - à part quelques pétards mouillés ici où, et dans lesquels il n'était visiblement pas envisageable de laisser les coudées franches à Quintana. Alors que la course aurait pu s’emballer et devenir complètement folle si les Movistar avaient collaboré avec les autres outsiders pour tenter de renverser Froome, elle s’est transformée dans les Alpes en succession de pétards mouillés, au point que ressurgisse le surnom moqueur de Vomi-star, utilisé par les amateurs de cyclisme pour critiquer les tactiques ultra-défensives des coureurs de la formation espagnol.

Pour Valverde, c’est évidemment un triomphe : à 35 ans, et après de nombreux échecs depuis dix ans, le Murcian monte enfin sur le podium d’un Tour de France. Pour Quintana également, le bilan est apparemment bon : comme en 2013, le Colombien termine dauphin de Christopher Froome, et comme 2013, il remporte le classement du meilleur jeune. Mais pour les spectateurs, les regrets sont réels : dans les Alpes, Quintana a repris une trentaine de secondes à Froome dans la montée vers La Toussuire après avoir attaqué bien trop tard, et plus d’une minute dans l’ascension de l’Alpe d’Huez, pour finalement venir échouer à soixante-douze minuscules secondes de la victoire finale, soit l’écart le plus mince entre un vainqueur et un deuxième de la Grande Boucle depuis cinq ans et le succès teinté de scandale de Contador devant Andy Schleck. Avec une stratégie moins frileuse (pourquoi a-t-il systématiquement attendu la dernière ascension de l’étape pour tenter de distancer Froome au lieu de relayer Contador et Nibali dans leurs offensives lointaines ?) et un coéquipier moins encombrant (en raison de son palmarès long comme le bras, Valverde est le véritable patron de l’équipe, et il est vraisemblable que le réel objectif de la Movistar, plus que d’aider Quintana à gagner le Tour, ait été de hisser enfin Valverde sur le podium, l'un n'attaquant jamais sans l'autre jusqu'aux dernières étapes), on peut vraisemblablement avancer que le Colombien aurait remporté hier son premier Tour de France, tant il était clairement au-dessus de tous ses adversaires, Froome compris, durant la traversée des Alpes (quatre étapes, dont trois arrivées au sommet, ça aurait dû suffire).

Pour l'heure, on se dit qu’à vingt-cinq ans, il représente l’avenir et a bien le temps d'en gagner d’autres. Qu’on se souvienne d’Andy Schleck, autre grimpeur de génie auquel on prédisait un avenir doré, qui avait stupidement perdu le Tour en 2010 derrière Alberto Contador pour à peine plus que Quintana contre Froome cette année, en s'étant montré le plus fort : ce n’est pas grave, disait-on, il a toute sa carrière devant lui. Cinq ans plus tard, le cadet des frères Schleck est déjà à la retraite et n’a jamais remporté la Grande Boucle autrement que sur tapis vert. Il ne reste plus qu’à espérer un destin plus enviable pour Quintana.

Froome isolé par les Movistar. Forcément, c'est lui qui mène dans la descente.


3)      Un top 10 de haute volée

Au départ du Tour, il y avait Froome, il y avait Quintana, mais il y avait également Contador et Nibali, les deux derniers Fantastiques. Clairement en dedans dans les Pyrénées, ils avaient promis d’attaquer dans les Alpes, pour tenter de renverser une course bien mal embarquée. Ils ont tenu parole. L’Espagnol a tenté de prendre le large lors de presque toutes les étapes, sans jamais trouver l’ouverture : à chaque fois, Valverde, craignant de perdre sa bonne place au général, venait le rechercher. Fatigué par un Tour d’Italie éreintant qu’il est le seul des quatre grands favoris à avoir disputé, Contador a de plus été victime d’une chute dans la descente du col d’Allos, qui lui a fait perdre plus de deux minutes sur les autres favoris. Il termine ce Tour à la cinquième place, exactement comme en 2011, la première fois qu’il s’était attaqué au doublé Giro-Tour – même si la déception est grande de ne pas l’avoir emporté sur cette Grande Boucle, cette performance reste le meilleur enchaînement des deux premiers Grands Tours de l’année depuis 1998 et Marco Pantani.

Nibali, lui, est monté tranquillement en régime sur ce Tour de France. Littéralement à la rue dans les Pyrénées (après l’étape de Cauterets, il ne pointait qu’à la onzième place du classement général), il a attaqué tous les jours par la suite, ne laissant aucun répit au maillot jaune (et aux Movistar, toujours prompts à bondir sur tout ce qui pourrait ressembler à un coup de panache). Au fur et à mesure des étapes, le Sicilien a réussi une splendide remontée et se classe finalement quatrième de l’épreuve, avec en prime, une prestigieuse victoire d’étape, à La Toussuire, dans ce qui était l’étape-reine de ce Tour de France. Profitant d’un incident mécanique de Christopher Froome pour attaquer le groupe maillot jaune dans les derniers kilomètres du col du Mollard (ce qui lui sera vigoureusement reproché par Froome à l’arrivée et qui donnera lieu à une explication tendue entre les deux hommes, la deuxième sur ce Tour de France après celle du Havre, suite à une chute collective les ayant impliqués tous les deux), le requin de Messine était revenu sur Pierre Rolland puis l’avait déposé pour s’adjuger l’étape, avec une avance confortable sur les autres favoris.


Le requin de Messine.

Dans le reste du classement, une surprise de taille : l’absence de Van Garderen. Le coureur américain, deuxième en juin du Dauphiné derrière Froome, paraissait dans la forme de sa vie, et à l’entame de cette dernière semaine, il pointait au troisième rang du classement, en passe de réussir le meilleur résultat de sa carrière sur le Tour. Mais dès mercredi et l’étape de Pra-Loup, il déchantait : malade, il se faisait lâcher par le peloton dès les premières pentes, avant d’abandonner rapidement - son éviction brutale laissa présager, dès mercredi midi, une fin de Tour complètement folle, promesse seulement à moitié tenue. Deux habitués du top 10 des Grands Tours ont donc profité de la disparition de l’Américain pour faire leur petit trou : les Hollandais Robert Gesink et Bauke Mollema terminent sixième et septième. Derrière eux, le Suisse Mathias Frank, huitième, réalise la meilleure prestation de sa carrière sur une course de trois semaines.

Et pas n’importe laquelle : l’une des plus difficiles de ces dernières années. En effet, entre une première semaine qui avait déjà fait un ménage considérable dans le classement, une arrivée à la Pierre-Saint-Martin qui a fait l’effet d’une bombe au niveau des écarts entre favoris, et une séquence alpine ultra-montagneuse, c’est à un véritable Tour pour costauds qu’on a assisté cette année. Au général final, et malgré le faible écart entre Froome et Quintana, l'amplitude du classement est impressionnante : seuls quinze coureurs ont terminé cette Grande Boucle à moins d’une heure de Christopher Froome (chose qu’on avait pas vue depuis des années et des années, sachant que vingt-quatre minutes séparent Pinot, seizième à trente-huit minutes, de Kreuziger, dix-septième à une heure et deux minutes), et le vingtième du général (Jan Bakelants) n’avait pas été aussi loin du maillot jaune depuis 1969 et la première victoire d'Eddy Merckx.


4)      Les Français in fine

Les lacets de Montvernier. Un lieu Français, désormais cher à l'ex-ministre Montebourg.

Au départ de ce Tour de France, deux coureurs français cristallisaient les espoirs de leurs compatriotes en vue d’obtenir un beau classement général : Romain Bardet (6ème l’année dernière) et Thibaut Pinot (3ème l’an passé). Leur jeune âge (ils concouraient tous les deux également dans la catégorie du meilleur jeune) et leurs jolis débuts de saisons respectifs (une étape de montagne sur le Tour de Romandie et une autre sur le Tour de Suisse pour Pinot, une étape sur le Dauphiné pour Bardet) semblaient autant de raisons d’espérer, surtout que ce Tour marquait exactement les trente ans du dernier triomphe français sur la Grande Boucle (c'était en 1985, et c'était évidemment l'oeuvre de Bernard Hinault).

Mais dès la première arrivée en altitude à la Pierre-Saint-Martin, il apparaissait que les deux Français, qui avaient déjà perdu beaucoup de temps bêtement en première semaine, étaient hors de forme et en crise de confiance : lâchés très tôt par le peloton, ils terminaient loin de Christopher Froome et abandonnaient leurs derniers espoirs de podium. Quelques jours plus tard, dans ce qui avait semblé être une tentative de sursaut, ils s’étaient ridiculisés à Mende : incapable de s’entendre après s’être retrouvés tous les deux seuls en tête au sommet de la montée Laurent-Jalabert, ils avaient vu le Britannique Stephen Cummings revenir sur eux et les aligner en bonne et due forme pour leur chiper la victoire d’étape – et ils étaient devenus la risée de tout ce que la planète compte d’amateurs de vélos, principalement en France, ce beau pays si disposé à moquer ses ressortissants dès qu’ils échouent dans quoi que ce soit.

Il allait donc leur falloir une sacrée force de caractère pour surmonter ces échecs et ne pas traverser les Alpes comme des fantômes. On a vu. A l’attaque quasiment tous les jours l’un comme l’autre, ils se sont employés à sauver ce qui pouvait encore l’être de leur Tour de France. Bardet a été le premier à dégainer : vainqueur en solitaire de la 18ème étape à Saint-Jean-de-Maurienne après avoir distancé tous ses poursuivants dans le col du Glandon, creusé l’écart dans la descente et résisté dans l’ascension ultra-télégénique des lacets de Montvernier, le jeune grimpeur de l’équipe AG2R a ce jour-là sauvé son Tour de France. Mieux, même : ses multiples échappées lui ont permis de se glisser, de justesse, dans le top 10 du classement final (9ème devant un autre Français, Pierre Rolland), de terminer deuxième du classement de la montagne et de récolter le prix honorifique de Coureur le plus combatif du Tour 2015.


Pinot pin up.

Pinot a eu un petit peu plus de mal à mettre la machine en route : offensif dès l’étape de Pra-Loup, une chute dans la dernière descente alors qu’il menait la chasse derrière Simon Geschke lui avait littéralement coupé les ailes, le contraignant à laisser le coureur Allemand s’envoler vers la victoire. Il avait à nouveau tenté sa chance les jours suivants, mais sans succès, et il a fallu attendre la dernière étape des Alpes pour le voir ressortir de sa boîte, et de quelle manière : pas loin derrière les favoris au sommet de la Croix-de-Fer, il avait recollé dans la descente, avant de sortir, avec un groupe de costauds, dans le replat. Accompagné du Canadien Ryder Hesjedal, il avait ensuite retrouvé son coéquipier Alexandre Geniez dans la montée de l’Alpe d’Huez, pris le large et résisté au retour désespéré de Nairo Quintana pour s’adjuger l’étape, en patron. Après les victoires de Pierre Rolland en 2011 et de Christophe Riblon en 2013, c’est la troisième fois d’affilée que les 21 lacets de l’Alpe d’Huez sourient à un coureur français. De quoi redonner le sourire à un Pinot qui termine finalement seizième du classement général.

Derrière ces deux coureurs, on retiendra des Français, sur ce Tour 2015, la belle victoire d'étape d'Alexis Vuillermoz à Mûr-de-Bretagne lors de la huitième étape, et la formidable constance de Pierre Rolland en montagne, qui accroche la dizième place du classement général en étant celui des outsiders qui a le mieux réussi à rester au contact des favoris dès que la route s'est élevée. Tony Gallopin, bien classé après les Pyrénées, s'est littéralement effondré dans les Alpes et termine finalement trente-et-unième, et le jeune Warren Barguil, un temps à la lutte pour le top 10, s'est surtout fait connaître du public français (quatorzième après s'être battu comme un beau diable et avoir provoqué le KO le plus spectaculaire de la course en envoyant Geraint Thomas dans le ravin, heureusement sans gravité). Meurtri par une chute cruelle, Jean-Christophe Péraud, qui avait créé la surprise l'année dernière en terminant second derrière Nibali, a terminé soixante-et-unième. Les jeunes pousses du sprint français ont échoué à remporter une étape, mais Bryan Coquard s'est classé deuxième sur les Champs-Elysées, frôlant de très près ce qui aurait été un exploit retentissant.


5)      André Greipel, l’autre costaud du Tour

Sur ce Tour de France, rayon sprinteurs justement, on attendait surtout Mark Cavendish, déjà vainqueur de vingt-six étapes sur la Grande Boucle depuis le début de sa carrière, et qu’on voyait bien ajouter quelques nouveaux bouquets à sa collection, surtout en l’absence du nouvel ogre Marcel Kittel, vainqueur à quatre reprises en 2013 puis à nouveau en 2014. Mais le Cav’ a dû se contenter d’une seule victoire, à Fougères, en fin de première semaine. Le reste, tout le reste, il a dû l’abandonner à l’Allemand André Greipel, archi dominateur dès que le peloton s’est présenté groupé à la flamme rouge - ce qui, parcours piégeux oblige, est arrivé de façon exceptionnellement rare. Déjà victorieux à six reprises sur les routes du Tour depuis le début de sa carrière, Greipel avait bien lancé son année 2015 en remportant entre autres une étape au Tour d’Algarve, une autre à Paris-Nice, puis encore une au Tour de Turquie, et surtout, une autre sur le Tour d’Italie.


Pour le dernier Grand Prix de l'Arc de Triomphe, il fallait préférer le Gorille aux chevaux.

Mais il faut croire qu’il n’était pas rassasié. Déjà vainqueur lors des deux premières semaines des deuxième, cinquième et quinzième étapes de la course, celui que l’on appelle le Gorille de Rostock a ajouté, prestigieux point d’orgue de ce Tour de France maîtrisé de bout en bout, une victoire lors de l’ultime étape, celle des Champs-Elysées, couramment considérée comme l’Alpe d’Huez des sprinters (Kittel avait remporté les deux dernières, interrompant une série de quatre succès consécutifs de Cavendish sur la plus belle avenue du monde), disputée cette année sous la pluie après le traditionnel défilé champagne, et qui a vu l'irruption, dans le dernier virages des pavés trempés de l'Est parisien, d'un fou suicidaire en travers de la route, heureusement évité par l'ensemble des coureurs. Ancien coéquipier de Mark Cavendish, Greipel s’est émancipé depuis plusieurs saisons, et avait pris l’habitude, depuis 2011, de remporter chaque mois de juillet au moins une étape sur la Grande Boucle. Avec ses quatre succès, dont celui sur les Champs, il vient tout simplement de livrer, à 33 ans, le meilleur Tour de France de sa carrière.

Cela n’a néanmoins pas suffi pour remporter le maillot vert du classement par point. L’irrésistible Peter Sagan, que l’on a encore vu s’échapper en tête de la course dans les Alpes, s'est adjugé le titre pour la quatrième année consécutive, sans gagner la moindre étape mais grâce à une impressionnante collection de places dans le top 5 (onze fois sans compter le contre-la-montre par équipes, et encore cinquième sur les Champs-Elysées) et à un quasi-carton plein sur les sprints intermédiaires, y compris dans les étapes de montagne. A eux deux, Sagan et Greipel ont éclipsé l’ensemble des autres sprinters présents sur le Tour : une seule victoire pour Cavendish, donc, et rien pour Alexander Kristoff, rien pour Arnaud Démare, rien pour Tyler Farrar, rien pour John Degenkolb, un abandon précoce pour Nacer Bouhanni et trois semaines passées à errer en queue de peloton pour un Michael Matthiews meurtri par les chutes. 


Au terme de ces trois semaines de courses, reste, à chaud, le sentiment d'un Tour souvent agréable en terme de spectacle, mais frustrant. Agréable, car les numéros de Rodriguez, Froome ou Sagan ont permis de vivre des émotions fortes, tout comme les barouds de Pinot ou Nibali. Frustrant, car malgré les banderilles plantées ici et là par Nibali et Contador, et, bien trop tard, par Quintana, la lutte pour la victoire finale n'a véritablement livré que 50% de son potentiel. En juillet prochain, le Tour 2016 s'élancera du Mont-Saint-Michel, pour trois nouvelles semaines irrationnelles, et ça promet d'être dur d'attendre la revanche pendant aussi longtemps. 


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