mardi 21 juillet 2015

Tour de France 2015 : Que retenir de la deuxième semaine ?

Après un bilan sur les étapes une à neuf lors de la première journée de repos, ce second jour de relâche est l’occasion d’un petit retour, à nouveau en cinq points, sur cette deuxième semaine de course. Si la première semaine, riche de nombre de pièges en tous genres, avait déjà commencé à décanter le classement général, cette suite de Tour dans les Pyrénées, avec  notamment les arrivées à la Pierre Saint-Martin ou au Plateau de Beille, mais aussi l’entre-deux massifs, à Rodez, Mende ou Gap, était censée signifier le début des choses très sérieuses. On a pu le constater. 


Nous habitons quand même un pays pas dégueu.

1)      Les héros de 2014 en souffrance

C’était l’image du Tour 2014 : deux Français sur le podium, Jean-Christophe Péraud deuxième et Thibaut Pinot troisième, alors que la dernière présence d’un représentant tricolore sur la boite à Paris remontait à Richard Virenque, deuxième derrière Ullrich en 1997. En grattant un peu plus loin, on trouvait également Romain Bardet, sixième et Pierre Rolland, onzième. C’est donc avec quelque légitimité que le public avait attendu avec attention les coureurs français cette année, évaluant fébrilement les chances qu’ils avaient de rééditer leur performance de l’an passé, voire de faire encore mieux dans le cas de Pinot que beaucoup imaginaient tenir la dragée haute aux Froome, Quintana et autres Contador.

Malheureusement pour le public français, il n’en a rien été. Pinot, malchanceux et mal épaulé, avait abandonné toutes ses chances de victoire dès la première semaine. La traversée des Pyrénées a sonné le glas de ses ambitions de top 5, et vraisemblablement même de top 10, sauf exploit retentissant dans les Alpes. Hors de forme, le grimpeur de la FDJ a constamment figuré parmi les premiers favoris lâchés dès que la route s’est élevée, et s’il est apparu en forme ascendante, il lui sera difficile, compte tenu du niveau des favoris, de jouer la gagne ne serait-ce que sur une étape, sans parler du maillot à pois. Sa chance de remporter une étape, il l’a sans doute laissée passer dans l’ascension de la Montée Laurent-Jalabert, à Mende, lorsqu’il revient sur Romain Bardet, rescapé comme lui d’une échappée, au sommet de la côte et que les deux coureurs français ne collaborent pas et laissent revenir de l'arrière le Britannique Stephen Cummings qui les coiffe au poteau.

2015, l'année de la confirmation pour les Français.
Jean-Christophe Péraud a connu le même lot de déconvenues. Si malgré sa deuxième place de l’an passé, il ne figurait pas dans le premier cercle des favoris (la faute à un début de saison en demi-teinte et à un âge déjà avancé), ses performances restaient néanmoins scrutées avec attention. Pas à son aise dans les Pyrénées, où il concède beaucoup de temps aux autres leaders, il connait les affres d’une chute lors de l’étape qui mène les coureurs à Rodez. Ensanglanté, le cuissard largement déchiré, il décide de continuer la course, s’attirant par son courage les louanges du Patron en personne, François Hollande en visite sur le Tour et désireux de faire l’éloge de ceux qui en bavent. Depuis, le coureur d’AG2R, recouvert de pansements à tel point qu’il paraît parfois momifié, traîne en queue de peloton, grimaçant. Désormais cinquantième du général, il se contentera de rallier Paris, et compte tenu de son état, ce sera aussi méritoire que sa deuxième place en 2014.

De façon plus inattendue, le vainqueur de l’an passé, le Sicilien Vicenzo Nibali, a lui aussi vécu une semaine difficile. Alors qu’on l’attendait grand gagnant de la première semaine, il avait déjà déçu, concédant du temps à ses rivaux sur un parcours que l’on pensait taillé pour lui, et abordant les Pyrénées avec un débours de déjà plus de deux minutes sur Christopher Froome. Il a totalement craqué dès la première arrivée au sommet, à la Pierre-Saint-Martin, perdant a priori toutes ses chances de podium. Mais le Requin de Messine a de la ressource, et s’est accroché les jours suivants. Mieux, même : il s’est permis d’attaquer, au Plateau de Beille et à Mende, à chaque fois sans résultat, avant de parvenir à reprendre une trentaine de secondes à ses concurrents lors de l’étape arrivant à Gap. Onzième après l’arrivée à Cauterets, il pointe désormais à la huitième place, à sept minutes et quarante-neuf secondes de Christopher Froome. C’est encore très loin, c’est vrai.


2)      Froome : haters gonna hate

Car Christopher Froome a véritablement assommé la concurrence, dès mardi après-midi, lors de l’étape qui menait le peloton de Tarbes jusqu’à la Pierre-Saint-Martin. Lors de l’ascension finale, longue de quinze kilomètres, le Britannique a fait rouler ses hommes, faisant craquer successivement Nibali et Contador. Son attaque, à un peu plus de six kilomètres de l’arrivée, lui a permis de décramponner le dernier de ses adversaires à s’être encore accroché, Nairo Quintana et de s’adjuger l’étape avec une marge plus que confortales. A l’arrivée, les écarts ont été considérables : derrière Froome, solide maillot jaune, l’Américain Tejay Van Garderen pointe à deux minutes cinquante-deux, Quintana, troisième, à environ trois minutes, Valverde et Contador à plus de quatre minutes, et Nibali encore plus loin.


Froom' froom' !
Dans son style si particulier (assis sur son vélo, avec une cadence de pédalage frénétique rappelant parfois un enfant sur son tricycle, ses grands bras de mante religieuse littéralement aggrippés au guidon, coudes sortis et sa tête baissée), Froome, qui brigue désormais le surnom de Rhino, a reproduit à la Pierre-Saint-Martin un numéro de la dimension de ce qu’il avait déjà réalisé en 2013 à Ax 3-Domaines ou au Mont Ventoux. Déjà assez peu appréciée par la majorité du public français (en raison, pêle-mêle, de ses nombreuses victoires, de sa capacité à faire éclore au plus haut niveau des coureurs sur lesquels personne n’aurait misé un kopeck ou encore du vieil l’antagonisme franco-anglais), son équipe, la  toute-puissante Sky, n’arrangeait pas son cas : en plus de la démonstration de Froome, son équipier Richie Porte se classait deuxième, coiffait Quintana dans les derniers hectomètres, et un troisième larron, Geraint Thomas, accrochait le top 10.

Dans ce petit monde très agité qu’est le Tour de France, cette performance suffit à faire grimper la température d’une dizaine de degrés. En cause, bien sûr, les soupçons de dopage pesant sur la formation britannique. L’ensemble de la presse française a fait part de son scepticisme, au lendemain du numéro de Froome à la Pierre-Saint-Martin, au point que ce dernier réplique en tançant vertement Laurent Jalabert et Cédric Vasseur, deux anciens coureurs français au passé controversé qui officient désormais en tant que commentateurs sur France Télévisions. La pression continua à monter lorsque Froome, après l’arrivée à Mende, se plaignit d’avoir été aspergé d’urine par un spectateur qui l’aurait traité de dopé puis lorsque son lieutenant Richie Porte affirma avoir été frappé par un autre supporter quelques jours plus tôt. Suffisant pour que l’équipe demande une protection policière – et on vit, au matin de la quinzième étape, un groupe de flics entourer le bus de la Sky au départ de la course. Pour ne rien arranger, la Sky annonça avoir été victime d’un piratage informatique et déplora le vol de nombreuses données confidentielles liées à plusieurs de ses coureurs, dont Froome. Sans qu’on sache qui ait dirigé le hack de l’équipe, dans la foulée, plusieurs vidéos se mirent à fleurir sur Youtube, montrant Christopher Froome, en 2013 dans le Ventoux, avec, en incrustation, toutes ses données en terme de puissance, de respiration, de fréquence cardiaque – et évidemment, l’absence de changement du rythme de son cœur, après une attaque, relança l’éternelle polémique sur l’usage de vélos électriques dans le peloton.


3)      Le trolling permanent 

Voldemort a une jolie paire de lunettes.
Mais ce n’était pas tout, et dans la canicule du mois de juillet, tout semblait concorder pour accentuer l’atmosphère peu à peu irrespirable de ce Tour de France. D’abord, il y eut le retour du seul baron de la drogue a avoir remporté sept Tours de France, l’Américain Lance Armstrong, dit le Boss, vainqueur de l’épreuve entre 1999 à 2005 et depuis déclassé pour dopage en cartel organisé. Le retraité banni avait fait part il y a de longs mois de sa volonté de disputer la course, seul, en faisait route avec une journée d’avance sur le peloton, pour récolter des fonds au profit de la lutte contre le cancer (la seule voie dont il puisse rêver pour sa réhabilitation). Les organisateurs comme la Fédération internationale s’étaient montrés très sceptiques à cette perspective, ne cachant pas leur désir de voir le Texan renoncer à son projet, tant son nom reste aujourd’hui associé aux désormais traditionnelles zeures-les-plus-sombres de la Grande Boucle.

Finalement et façon assez prévisible, se sentant assez peu en odeur de sainteté, Armstrong décida de ne parcourir que deux étapes. Mais son arrivée ne pouvait pas plus mal tomber : juste après la démonstration de Christopher Froome. Invité à se prononcer sur son lointain successeur et à détailler leurs similitudes (deux coureurs qui ont connu à la fois une maladie et une transformation profonde, deux coureurs aux équipes surpuissantes en montagne, deux coureurs à la fréquence de pédalage très importante, deux coureurs qui ont en leur temps gagné le Tour en l’écrasant), il se contenta de botter en touche, s’affirmant incapable d’émettre une opinion sur le supposé dopage de Froome et des Sky, réponse de normand qui s’avéra, aux yeux de la presse, valoir une accusation - et quoi qu'il en soit, par sa seule présence, Armstrong fait encore figure de menace réelle pour l'image médiatique de la course, surtout quand il égratigne à son tour le passé de gloires du cyclisme français (Hinault et Jalabert) au détour d'une interview donnée à la presse régionale.

Une autre légende vivante du dopage des années 2000 a également accompli un retour trollesque sur le Tour cette année : le Danois Michael Rasmussen, double vainqueur du classement de la montagne, et qui portait le maillot jaune en 2007 avant d’être mis hors course par son équipe pour infraction aux règles de localisation des coureurs durant sa préparation, alors qu'il était en passe de remporter le Tour de France (cette disqualification avait profité au jeune Contador, qui avait récupéré le maillot jaune, résisté à Evans dans le dernier contre-la-montre et remporté son tout premier Tour, un braquage). Présent cette année sur la Grande Boucle en qualité de consultant pour un journal danois, Rasmussen, qui fait aujourd’hui figure de repenti désireux de collaborer main dans la main avec les autorités, a lui aussi ravivé, par la simple évocation de son nom, le souvenir des pires années de triche de la course. Invité, comme Armstrong, à se comparer au maillot jaune Christopher Froome (avec lequel il partage, outre le fait d’être les deux seuls coureurs à avoir réellement dominé Alberto Contador sur un Grand Tour, une maigreur impressionnante), il a lui aussi botté en touche. Néanmoins, le fait qu’il se soit installé, pour donner son interview, devant le bus des Sky a une fois de plus été abondamment commenté.

Oleg Tinkoff, le Bernard Tapie russe.
Dans la foulée de ces deux revenants et sans parler de la victoire d’étape, à Gap, de Ruben Plaza Molina, ancien inculpé de la mythique affaire Puerto, c’est tout le monde qui a semblé péter un peu un plomb durant cette deuxième semaine de course. Ainsi, l’Argentin Sepulveda a sans doute été sanctionné de l’exclusion la plus ubuesque de l’histoire récente de la course : victime d’un incident mécanique lors de la quatorzième étape, il a voulu s’arrêter à hauteur de sa voiture pour être dépanné. Manque de pot, celle-ci ne le remarque pas et continue sa route. Ni une ni deux, le grimpeur monte dans la première voiture qui arrive à sa hauteur, en l’occurrence celle de l’équipe AG2R, et revient ainsi à auteur de son mécanicien, ce qui est évidemment interdit par le règlement du Tour - il est viré de la course dès l'arrivée. On a aussi pu compter sur Oleg Tinkoff pour faire le show cette semaine : le patron de l’équipe de Contador (dans laquelle un mécanicien a été suspendu après avoir balancé un bidon à un cameraman de France Télévisions, une autre histoire de grosse chaleur), adepte du trash-talking et réputé bon client en interview, a profité de chaque micro tendu pour balancer de la punchline au kilomètre, assimilant ici les entraîneurs français à des communistes, proposant là de faire payer le public qui assiste à la course ou proposant encore un boycott du Tour par les principales équipes l'an prochain, et délivrant sa prose quotidiennement sur Twitter. Mais le meilleur tweet du Tour, pour le moment, est incontestablement l’œuvre de Richie Porte. Immense troll devant l’éternel, le coéquipier de Christopher Froome s’est permis de narguer l’ensemble des sceptiques en postant au soir de sa deuxième place à la Pierre-Saint-Martin un extrait vidéo montrant Mister Bean adressant des doigts d’honneurs à la foule.


4)      Sagan le Magnifique

Malgré ses efforts, Oleg Tinkoff n’est pas le représentant de son équipe qui a eu le droit à la plus grande attention médiatique cette semaine. Ce n’est même pas le leader de sa formation, Alberto Contador, en difficulté à la Pierre-Saint-Martin mais apparu en forme ascendante depuis. C’est Peter Sagan, maître artificier surprise de ce 102ème Tour de France. Suite à la disparition de son équipe l’an passé, il avait été recruté en grande pompe par la Tinkoff pour cette saison. Son entame d’année, délicate, lui avait valu les foudres d’Oleg le fantasque, mais il s’était accroché, remportant une étape à Tirreno-Adriatico, une autre au Tour de Suisse, ainsi qu’une victoire au général du Tour de Californie. A l’entame de ce Tour de France, la question se posait de savoir comment le coureur slovaque allait pouvoir cohabiter avec Alberto Contador dans un même groupe de neuf coureurs, chacune des deux vedettes poursuivant un objectif bien distinct (le classement général pour Contador, le classement par points pour Sagan).

Bonjour vitesse.
Inférieur à André Greipel ou Mark Cavendish dans les sprints en première semaine, Sagan a changé de tactique entre les Pyrénées et les Alpes, en s’échappant trois jours de suite, faisant le plein de points aux sprints intermédiaires et réussissant de bons classement à l’arrivée, de quoi creuser un écart significatif sur ses poursuivants directs et s’adjuger, déjà et de façon quasi certaine, le maillot vert à une semaine de l’arrivée à Paris. De fait, il n’a privé Contador d’aucun équipier, et s’est rendu disponible pour travailler en troisième semaine pour son leader. Un point noir, hélas : il n’a pas gagné d’étape, accumulant les places d’honneur avec une assiduité poissarde quasiment jamais vue dans l'Histoire du Tour (en seize étapes déjà courues cette année, il s’est classé onze fois dans les cinq premiers, dont cinq fois second).

Les Français adorant les perdants, surtout quand ils ont du style, ils se sont depuis longtemps entichés du Slovaque, personnage extrêmement spontané dans la vie civile et plein d'audace sur le vélo : à ce titre, sa descente de La Rochette, authentique numéro de virtuose où il bat de vingt secondes un Nibali pourtant réputé meilleur descendeur du monde et à ce moment en train d'attaquer le groupe des favoris, est instantanément devenue un classique. Sur ce coup-là Sagan a réussi à lâcher tous ses compagnons d'échapées, comme pour les punir de ne pas avoir collaboré avec lui dans la montée, mais avait échoué à revenir sur Ruben Plaza, et finalement dû se contenter de la deuxième place. Sa seizième en quatre Tours de France, ce qui laisse songeur sur ses possibilités à améliorer ce record de l'ère moderne dans les prochaines années, surtout compte tenu de ce qu'il n'a encore que vingt-cinq ans. Trois jours plus tôt, déjà, il avait bien pensé tenir le Graal, en se détachant dans les derniers hectomètres de l'étape de Rodez en compagnie du Belge Greg Van Avermaet, considéré jusqu'alors comme le loser absolu des dix dernières années, mais contre toute attente, Van Avermaet lui avait résisté pour finalement s'imposer, au sprint et rompre ainsi sa propre spirale négative.

Le lendemain, loin d'être abattu, Sagan fait partie de l'échappée qui va au bout, à Mende. S'il ne peut jouer la victoire sur les difficiles pentes de la montée Laurent-Jalabert, s'affaçant derrière le vainqueur Cummings et les duettistes Pinot et Bardet, il termine néanmoins cinquième, devançant des coureurs présumés meilleurs grimpeurs que lui. Rebelote vers Valence, où il initie une échappée à nouveau en compagnie de Pinot et quelques autres comparses. Pas découragé quand le peloton les reprend, loin de l'arrivée mais sprint intermédiaire en poche, il se mêle ensuite à la lutte pour la victoire et se classe quatrième derrière Greipel, Degenkolb et Kristoff, et repart à l'attaque dès le lendemain, pour ces quelques vains virages de poète dans la descente de La Rochette. On a présenté, au début de la course, Froome, Contador, Nibali et Quintana comme les Quatre Fantastiques. A côté d'eux, le cyclisme de Peter Sagan semble parfois tenir du Surfeur d'Argent.

Deuxième victoire d'étape pour Purito Rodriguez, pas venu pour rien cette année.




















Dans la roue de Sagan, quelques autres coureurs se sont distingués cette semaine, au premier rang desquels le Catalan Purito Rodriguez, déjà vainqueur en haut du Mur de Huy en début de Tour, et qui a récidivé, sous une pluie battante, en haut du Plateau de Beille après une échappée au long cours. Purito se replace ainsi dans la lutte pour le maillot à pois de meilleur grimpeur, dont il avait déjà fait son objectif l’an passé, battu par Nibali et surtout par le Polonais Rafal Majka. Majka, d’ailleurs, a lui aussi remporté son étape, à Cauterets, redonnant le sourire à la formation Tinkoff au lendemain de la défaillance d’Alberto Contador dans l’ascension de la Pierre-Saint-Martin et de l'annonce du cancer d'Ivan Basso (opéré avec succès). Vainqueur au sprint à Valence, l’Allemand Greipel a confirmé son statut de meilleur sprinteur de ce Tour 2015 pendant que Stephen Cummings s’est imposé à Mende, mettant son équipe, la Sud-Africaine MTN-Qhubeka, sur le devant de la scène le jour du Mandela Day.


5)      Les Alpes arrivent

Les pavés sont passés depuis presque deux semaines, les étapes propices aux bordures depuis longtemps également, tout comme les contre-la-montre, les arrivées pour puncheurs et désormais les Pyrénées. Ne restent plus, pour les coureurs du Tour, que cinq jours de course, dont quatre dans les Alpes et la traditionnelle arrivée aux Champs-Elysées dimanche. Ces quatre étapes alpines seront autant d’occasions, pour les favoris, d’attaquer Christopher Froome. Ainsi, mercredi, l’enchaînement redouté du Col d’Allos, de sa descente extrêmement technique et de la difficile montée vers Pra-Loup (où Merckx avait perdu le Tour en 1975) offrira aux audacieux une première opportunité. Dès le lendemain, une étape ralliant Saint-Jean-de-Maurienne donnera une autre occasion d’en découdre aux leaders, avant, vendredi, l’étape reine de ce Tour qui arrivera à la Toussuire via le Glandon et le Mollard, et enfin, samedi, les cultissimes vingt-et-un lacets de l’Alpe d’Huez.

Dans l’absolu, et compte tenu de la forme affichée par Froome depuis le départ du Tour, il faudrait que ses adversaires l’attaquent très tôt et de concert pour éliminer ses équipiers, avant de poursuivre leur technique de harcèlement dans la vallée pour l’épuiser, voire dans l’idéal le mettre hors d’état de nuire avant même les dernières ascensions. Ce plan, en théorie parfait, se heurte à trois obstacles : d’abord, il n’est pas à exclure que Froome et son équipe soient suffisamment forts pour résister aux offensives de leurs adversaires. Ensuite, il nécessiterait des alliances entre équipes concurrentes, objet de fantasme récurrent des aficionados mais très rarement observées dans les faits (rien sur le Tour depuis les offensives du binôme Contador – Sanchez en 2011), en grande partie parce que les leaders, en bonnes machines à gagner qui se flairent et se reconnaissent les uns les autres, ne s’accordent, entre eux, qu’une confiance très limitée. Enfin, il faut prendre en considération que tous les coureurs qui suivent Froome au classement général ne partagent pas les mêmes objectifs.

Chris Froome and The Gang.

D’un côté, il y a les offensifs. Ce sont les coureurs qui visaient ouvertement la victoire finale sur ce Tour et auxquels Froome a asséné un véritable coup de massue mardi dernier à la Pierre-Saint-Martin : les Trois Fantastiques restant, Quintana deuxième à plus de trois minutes, Contador cinquième à près de quatre minutes et demie et Nibali, huitième à presque huit minutes. Leurs ambitions initiales et leurs statuts leur interdisant de sa satisfaire d’un accessit, ces trois coureurs sont attendus comme les grands animateurs des Alpes, où ils auront à se montrer à la hauteur de leur réputation d’infatigables attaquants. Ils ont d’ailleurs déjà commencé à titiller Froome, dans l’ascension du Plateau de Beille (tous les trois chacun à son tour), à Mende (Nibali et Quintana) ou sur la route de Gap (Contador puis Nibali). Sachant que ce que l’on attend d’eux est ni plus ni moins que de renverser un Tour qui semble déjà promis à Christopher Froome, on devrait les voir souvent à l’offensive durant cette dernière semaine de course. On peut leur adjoindre Alejandro Valverde, coéquipier de Quintana au sein de l’équipe Movistar, et actuel quatrième au général (son classement final l’an dernier), qui permet à son équipe de disposer de deux cartes quasi-maîtresses pour emballer la course.

Face à eux, les défensifs. Outre Geraint Thomas, septième du classement général et attaché, en tant que coureur de la Sky, à la protection de Froome, d’autres coureurs pourraient bien faire le jeu du maillot jaune : ceux qui sont déjà bien contents d’être là, qui effectuent le meilleur Tour de leur carrière et penseront surtout à défendre leur classement actuel plutôt qu’à attaquer Froome. Il s’agit du Hollandais Robert Gesink (sixième) et de l’Américain Tejay Van Garderen (troisième). Si Contador, Nibali ou Quintana réussissait à éliminer les lieutenants de Froome vers Saint-Jean-de-Maurienne ou la Toussuire, ces deux coureurs pourraient très bien servir de garde rapprochée de circonstance au Britannique pour empêcher les Fantastiques de prendre le large. Mais ça, on le verra à partir de mercredi.


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